Concevoir une technologie de science-fiction

> 1. Comment aborder les technologies dans ton histoire de science-fiction

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3. Concevoir une technologie SF crédible et réaliste en 6 étapes (Part 2)

4. Concevoir une technologie alien

Ce matin, je me suis réveillé avec une envie de sonder !

C’est beau, les technologies du futur, hein ?

Qui aurait pensé qu’un jour, en quelques clics de souris, tu pourrais toi-même lancer ton propre sondage pour connaître l’avis de ceux qui partagent tes centres d’intérêt ?

Sans avoir besoin de préparer un échantillon représentatif, d’appeler, d’essuyer des refus, d’appeler encore en rectifiant l’échantillon, d’assembler les données, de les compiler, de les analyser puis de les synthétiser dans un rapport.

Nom de Zeus ! Un institut portatif de sondage !
Nom de Zeus ! Un institut portatif de sondage !

En plus, tu connais le résultat instantanément.

Après, il faut bien se rendre à l’évidence, ce que l’on gagne en temps de sondage, on le perd en écriture. Car ce n’est pas un article, mais trois qu’il m’a fallu préparer  pour traiter du thème des technologies de science-fiction.

12 votes, 12 heures de rédaction. C’est rentable.

Ah, si nous avions été dans une histoire de science-fiction, les choses auraient été plus faciles, heureusement.

Il m’aurait suffi d’inventer un quelconque personnage, un savant à lunettes double-foyer ou un mécano aux mains couvertes de graisse, de le montrer en train de taper sur un serveur de données avec une clé à molettes, de le faire s’essuyer le front avec la manche puis de lui faire déclarer avec toute la conviction possible : « C’est bon. L’article est publié. »

Ouais, j’admets, c’est un poil cliché.

J’aurais plutôt imaginé une intelligence artificielle avec un prénom féminin à qui j’aurais demandé à voix haute, sans même lui dire s’il te plaît – parce que ces bêtes machines sans âme n’ont pas le droit au respect le plus élémentaire :

Publie un article sur les technologies en science-fiction. Environ 5 000 mots. Le style habituel. Et n’oublie pas les gifs comme la dernière fois, hein. J’vais chercher des donuts.

Jarvis : « Comme toujours, monsieur, c’est un plaisir de vous regarder travailler. »

La science-fiction, ce n’est pas plus compliqué que ça.

Tu décides de l’effet que tu souhaites obtenir, tu imagines une machine qui fait tout le boulot et hop, tout le monde au lit, c’est l’heure de la sieste.

Un portail qui te transporte instantanément à l’autre bout de l’univers. Un rayon de lumière qui transperce la chair et le métal. Un moteur qui te propulse à des vitesses supraluminiques. Une petite bille d’énergie aussi puissante qu’une étoile.

Un four qui reconstitue un repas complet à partir de presque rien.

Magique ! Maintenant, imagine le stress du gars derrière le mur qui a trois secondes pour échanger le truc avec une pizza brûlante.

Voilà, cet article est terminé. Merci pour le petit partage qui va bien.

Bon.

Je vois bien que tu n’as pas l’air très convaincu.

Tu sais quoi ? Ce sera la même chose pour tes lecteurs. Car ce n’est pas le tout de les mettre devant le fait accompli : ils attendent de ta part que tu apportes un peu de relief, un peu de consistance.

Avant de passer à la conception proprement dite – qui fera l’objet d’un prochain article à part entière – voici déjà quelques questions à te poser pour faire en sorte que ta technologie imaginaire reste dans l’esprit de tes lecteurs et ne ressemble pas à tout ce qu’on a déjà vu ou lu.

Un air de déjà vu : les technologies « mythiques »

Tout ce qu’on a déjà vu ou lu, ce sont ce que j’appellerais les technologies « mythiques » de la science-fiction. Le transport instantané. La propulsion hyperspatiale. Le clonage. La cryogénisation. L’anti-gravité. Etc.

Tous tes lecteurs les connaissent. Tu n’auras pas besoin de les leur expliquer, donc elles sont parfaites pour servir de décor à ton récit.

Petit exercice d’improvisation, allez hop, histoire de se mettre en train.

Prenons un mec. Un type normal, un humain comme toi et moi.

Je présume que tu en es un.
Je présume que tu en es un.

Le type se retrouve je ne sais où, dans les égoûts, sous une pyramide ou dans une mine abandonnée — peu importe. Il découvre une porte condamnée recouverte d’avertissements, genre menaces de mort et promesses de malédictions sur cinq générations. Bien évidemment, ce con-là la franchit.

Manque de bol pour lui, il se retrouve aussitôt projeté sur une autre planète sans possibilité de retour. Oups, la boulette. À partir de là, son seul objectif sera de retourner d’où il vient, c’est-à-dire sur Terre. Pour cela, il va vivre tout un tas d’aventures, croiser par exemple d’autres naufragés, être confronté à une faune hostile, etc. Il parvient finalement à trouver une capsule spatiale qui le ramène en direction de la Terre.

Il se réveille, sort de la cuve cryogénique et ô joie ! découvre qu’il est revenu sur Terre. Évidemment tout ne peut pas être aussi simple, puisqu’il se retrouve bientôt… face à lui-même. Car en passant la première porte, il a non seulement été projeté ailleurs, mais aussi dans une dimension parallèle.

C’est en tout cas ce que lui explique une sorte de service extraterrestre pour naufragés galactiques, qui le capture avant qu’il n’ait le temps de créer un paradoxe. Chargés de le ramener dans sa dimension d’origine, la bande de policiers du temps l’escorte jusqu’à une planète lointaine où se trouve l’un des derniers portails dimensionnels. Sauf qu’un vol a eu lieu avant leur arrivée et que la pièce maîtresse du portail a disparu…

Et c’est reparti pour de nouvelles aventures.

Bien qu’alambiquée, cette histoire doit te sembler tout à fait familière. Alors qu’elle est pourtant complètement absurde : aucune de ces technologies n’existe – sans parler des extraterrestres et des dimensions parallèles, qui ne sont que des probabilités.

Cette histoire te paraît familière parce qu’elle s’appuie sur une palanquée de technologies imaginaires que tu as déjà toutes croisées lors de tes différentes lectures et dans la culture populaire.

Pour un écrivain de science-fiction, les technologies mythiques sont du pain bénit : pas la peine de se casser la tête à inventer quelque chose, il suffit de pomper ce que tout le monde connaît déjà et de coller une histoire dessus. Le lecteur s’y retrouve, l’écrivain aussi, alors pourquoi chercher plus loin ?

Une bonne techno ne rattrape jamais une mauvaise histoire

Cela n’a rien de déshonorant. Des dizaines d’auteurs prestigieux l’ont fait et des centaines de films suivent ce principe. Certaines des plus belles et des plus célèbres histoires de science-fiction ont un traitement plus que léger de la technologie, parce que ces histoires se suffisent à elles-mêmes pour transporter les lecteurs.

En effet, pour réussir une histoire de science-fiction, tu n’as pas toujours besoin de partir dans des descriptions scientifiques et techniques alambiquées. Tes lecteurs n’ont pas toujours besoin de connaître les détails ; d’ailleurs, il n’en ont peut-être même pas envie si tout ce qui leur importe, c’est de se laisser emporter dans une bonne histoire.

"L'Auryn était en réalité un émetteur-récepteur UHF connecté à la Terre via une distorsion dimensionnelle. En d'autres termes, un talkie-walkie."
“L’Auryn était en réalité un émetteur-récepteur UHF connecté à la Terre via une distorsion dimensionnelle. En d’autres termes, un talkie-walkie.”

Donc tu peux avoir une bonne histoire avec de mauvaises technologies, ou plutôt, un traitement superficiel de ces technologies à l’aide de sciences mythiques que tout le monde connaît. Cette approche soft représente d’ailleurs le courant principal de la science-fiction.

Le problème, c’est que l’inverse n’est pas vrai.

Peut-être es-tu tombé comme moi sur des livres ou des films hard science avec une idée de technologie intéressante et très détaillée, mais dont l’histoire superficielle ne creuse pas suffisamment ses conséquences et son impact sur nos sociétés.

Pour l’avoir vécu plusieurs fois en tant que lecteur, je trouve que c’est vraiment du gâchis.

C’est vrai, à quoi bon se creuser les méninges pour imaginer une technologie qui déchire si c’est pour la dépenser inutilement dans une histoire sans intérêt ?

Oui, la dépenser.

Une bonne idée de technologie, c’est comme un investissement. On ne l’introduit pas dans la première histoire venue : on la garde de côté en attendant de trouver la bonne histoire qui l’accompagnera à la perfection.

Tout cela pour dire que tu peux bien avoir dans la tête la meilleure idée de technologie du monde, sache qu’elle ne rendra pas ton histoire meilleure si celle-ci est mauvaise à la base.

À la rigueur, tu peux tenter le dépôt d'un brevet, tu auras peut-être au moins la chance de devenir riche.
À la rigueur, tu peux tenter le dépôt d’un brevet, tu auras peut-être au moins la chance de devenir riche.

Degré de créativité : innove pour te démarquer

Côté créativité, tu as donc trois approches à ta disposition pour aborder les technologies dans ton histoire de science-fiction.

  1. Te contenter d’utiliser les technologies mythiques en faisant un petit effort d’imagination pour les rendre subtilement différentes de ce que l’on trouve dans tes histoires préférées. (Sinon, ça s’appelle de la fan fiction.)
  2. Remettre au goût du jour une technologie archiconnue. Réactualiser, c’est reprendre un grand plat classique et le sublimer façon Top Chef. C’est adopter une approche un peu plus moderne pour présenter des technologies que tout le monde connaît afin de donner un peu de fraîcheur à ton histoire. Par exemple, utiliser le principe du sabre laser ailleurs que dans des sabres.
  3. Créer une technologie imaginaire totalement inédite, ce qui est de loin l’approche la plus audacieuse, la plus intéressante et surtout la plus difficile. Mais y arriveras-tu seulement ? Car n’oublie pas : tout a déjà été abordé en science-fiction. Si. Tout.
Grille-pain et science-fiction : check.

Les 4 types de technologies imaginaires en science-fiction

Outre le degré de créativité que tu seras prêt à insuffler dans ton travail sur les technologies, voici les deux principaux critères sur lesquels tu dois te pencher pour aborder les technologies dans ton histoire de science-fiction : le degré de réalisme et le degré d’importance dans l’histoire.

SFZ_-_Technologies_imaginaires

Degré de réalisme : donne le ton à tes lecteurs

Le degré de réalisme que tu veux donner à ta technologie imaginaire est une condition essentielle à laquelle tu dois réfléchir avant de te lancer dans sa conception.

Cela revient à choisir entre l’approche soft et l’approche hard. Souvent, cela tient du tempérament de l’écrivain qui ne jure que par l’une ou l’autre des deux approches, mais parfois, c’est tout simplement l’histoire qui décide.

  • Si tu la joues soft, tu n’auras pas besoin de perdre ton temps à détailler le fonctionnement de tous les trucs futuristes que le lecteur croisera dans ton histoire. C’est une approche à la Star Wars : les technologies ne sont ni plus ni moins que de la magie avec des boulons.
  • Si tu la joues hard, en revanche, terminée l’approche « miraculeuse » : ta technologie devra être en capacité de fonctionner vraiment en t’appuyant une extrapolation des progrès scientifiques et techniques. Dans ce second cas, il falloir que tu fasses fumer ton ciboulot, parce que le réalisme devra être au rendez-vous.

Degré d’importance dans l’histoire : économise tes forces

Si tu te lances dans la hard science la plus réaliste et la plus acharnée, créer une technologie imaginaire va te demander beaucoup de temps et d’efforts.

Surtout si tu as décidé comme moi de te lancer dans la création d’un univers complet avec ses races, ses coutumes, ses systèmes politiques, son économie, ses moeurs et tous les écosystèmes qui vont avec.

Décrire, détailler, rendre intéressant et crédible tout ce petit monde représente d’innombrables heures de réflexion, de notes dans les marges, de plans, de diagrammes, histoire de donner à tes idées un minimum de réalisme.

Par conséquent, tu ne vas pas perdre ton temps à dessiner les plans détaillés d’un grille-pain futuriste que tu ne fais que citer entre deux dialogues à la page 231.

Obi-Wan Kenobi sur Amazon : “5 étoiles. C’est élégant, maniable… Le grille-pain noble d’une époque civilisée.”

Se concentrer sur les technologies qui sont essentielles à l’histoire, celles qui vont la nourrir, justement, est impératif pour ne pas te perdre. Concentre-toi sur celles qui auront besoin d’être détaillées, disséquées à un moment ou à un autre du récit, parce qu’elles jouent un rôle essentiel dans ton intrigue.

Pour tout ce qui est décor, adopte l’approche soft. Toi, tu y gagneras de précieuses heures que tu pourras consacrer à d’autres choses, et tes lecteurs te seront reconnaissants de ne pas les noyer sous un gloubi-boulga technique indigeste dès que l’un de tes héros se met en tête de vouloir se faire griller du pain.

Ou tout autre équivalent local.
Ou tout autre équivalent local.

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